SÉQUENCE 1 : EXTÉRIEUR - JOUR - AUTOROUTE
Dans un grondement sourd, des voitures passent à toute vitesse sur une autoroute du Maroc. Un panneau au loin indique une direction : « TANGER ». Le soleil écrase le bitume, créant une atmosphère lourde, presque pesante.
Sur la bande d’arrêt d’urgence, RAHMA (30 ans) est entourée de sacs et de valises. Debout devant le coffre ouvert de sa BMW noire, elle porte seule, une à une, ses valises et les réarrange en essayant d’optimiser l’espace. Chaque valise est éprouvante pour Rahma.
Son souffle est court, des gouttes de transpiration se forment sur son front.
Certaines valises, plus lourdes qu’elle, écrasent son corps maigre et la tordent en deux.
Elle s’arrête un instant. Les mains autour de sa taille, elle reprend son souffle, puis pousse un cri d’effort en portant le dernier sac. Une fois dans le coffre, ce dernier fait trembler la voiture par son poids, ce qui fait pousser un dernier souffle libérateur à Rahma. Elle s’essuie le front.
WAHIDA (12 ans) apparaît à sa gauche, son téléphone à la main.
WAHIDA
Maman, tu veux de l’aide ?
RAHMA
Rentre dans la voiture, ma chérie, j’ai terminé.
Wahida tourne les talons et disparaît. Rahma s’assied un instant sur le peu de place restant dans le coffre. Son dos courbé, elle passe ses mains sur son visage et essuie la sueur de son torse. Ce geste fait apparaître un bout d’une tache de naissance sur son sein. Elle se redresse. Le défilé de voitures continue. Rahma est avalée par le vacarme du monde.
Isolée, transparente au milieu de cette vie allant à toute vitesse.
SÉQUENCE 2 : INTÉRIEUR - JOUR - VOITURE
Rahma conduit nerveusement, les mains accrochées au volant. À travers le pare-brise, elle voit un panneau avec écrit en arabe et en français : “BILLETERIE”, flèche vers la gauche. Elle suit ce chemin.
Wahida est absorbée par son téléphone, absente de la scène.
« Parfum Quartier » de JUL en fond contraste avec la tension ambiante.
Au milieu de centaines de voitures garées, elle trouve une place et se gare. D’un coup sec, elle tire sur le frein à main, arrange le rétroviseur, puis jette un coup d’œil à AMAL (2 ans), endormie à l’arrière dans son siège bébé.
Elle coupe la musique.
WAHIDA
Maman… !
Rahma ouvre à peine la fenêtre côté passager de Wahida.
RAHMA
Attends-moi ici et n’ouvre à personne, ok ?
WAHIDA
Mais pourquoi t’as coupé la musique ?
RAHMA
T’as compris ?
WAHIDA
OK !
Rahma sort et claque la porte. Elle appuie sur le bouton de ses clefs pour verrouiller les portières tout en marchant vers un bureau d’où sortent des familles, des touristes et des personnes seules. Elle se fond dans la masse.
SÉQUENCE 3 : INTÉRIEUR - JOUR - BILLETTERIE
Un agent de billetterie tape sur son ordinateur machinalement, d’un air ennuyé. En face de lui, une famille marocaine est accoudée à son poste, surélevée par rapport à lui. Il fait une rotation de son siège sans se lever, prend quatre billets et les tend au père de la famille.
Rahma est derrière eux. Le brouhaha ambiant ne semble pas la déranger. Son regard est absent, elle fixe un point au sol.
La famille devant elle s’en va. Elle ne semble pas l’avoir remarquée, tant elle est absorbée par ses pensées.
VENDEUR
Lalla !
« Madame ? »
Le vendeur la tire de sa rêverie. Elle s’avance vers lui.
RAHMA
Salam aleykoum.
« Bonjour »
VENDEUR
Ch7al ntouma ?
« Vous êtes combien ? »
RAHMA
3, ana ou bnati.
« Trois, moi et mes filles. »
VENDEUR
L’visa 3afak ou l’passporate.
« Le visa, s’il vous plaît, et les passeports. »
Rahma sort de son sac des documents et les donne au vendeur, qui tape machinalement les prénoms de chacune sur son ordinateur.
Rahma jette un œil à ses filles dans la voiture à travers la vitre. Wahida est toujours absorbée par son téléphone.
VENDEUR
Lalla Rahma, kayn wa7ed m3a 3 — yallah yallah twasslou lih.
Ou wa7ed m3a 5 — kaydir 30 d9i9a.
« Il y a un bateau à 15 h, vous serez juste à l’heure si vous vous dépêchez. Et un autre trois heures plus tard, qui prend 30 minutes. »
RAHMA
Hadak dial 3, 3afak.
« Celui de 15 h s’il vous plaît. »
Il continue à taper sur son clavier.
Rahma sort son téléphone de la poche avant de son sac, enlève le mode avion. Une ribambelle de notifications, accompagnée d’une pluie de sons d’alertes, défile à grande vitesse. Le téléphone vibre dans sa main, attirant l’attention du vendeur. Il la regarde, intrigué, mais Rahma ne le remarque pas.
Un prénom domine les notifications : Anouar. Le reste des appels sont marqués « Inconnu ».
24 appels manqués en 1 heure, 24 messages vocaux, 37 notifications de messages, des appels masqués.
En voyant cela, le souffle de Rahma se coupe. Elle est en apnée.
VENDEUR
3000 dirhams.
Elle passe son doigt sur l’écran pour effacer les notifications de la page d’accueil, puis éteint son téléphone.
Sans broncher sur le prix, elle sort une liasse de billets marocains de son sac, en compte 3000 et les tend au vendeur.
Celui-ci répète son geste : il appuie sur un bouton, fait pivoter son siège, récupère les trois billets et les tend à Rahma.
Elle tourne les talons et s’en va, tandis qu’un couple de touristes arrive au guichet.
SÉQUENCE 4 : INTÉRIEUR - JOUR - VOITURE
Rahma conduit. Wahida est toujours sur son téléphone.
RAHMA
Wahida…
(puis plus fort)
Wahida !
WAHIDA
Mmmh ?
RAHMA
Arrête avec ton téléphone. Ça suffit.
Wahida souffle mais obéit, agacée.
WAHIDA
On va rester combien de temps ?
RAHMA
Tout l’été.
WAHIDA
Nooon !
RAHMA
T’arrêtes, Wahida !
WAHIDA
J’ai pas envie de faire mon anniversaire avec des gens que je connais pas !
RAHMA
Tu les connaîtras, tes cousins ont ton âge.
WAHIDA
Oui mais ils sont nuls, les gens en France.
RAHMA
Eh ! Tu parles pas comme ça.
WAHIDA
Je m’en fous, j’les connais pas.
RAHMA
(Menaçante)
Tu me parles encore comme ça, Wahida… !
Wahida croise les bras et se met à bouder sévèrement. Rahma le remarque mais détourne le regard, refusant d’accorder d’importance au caprice de sa fille.
SÉQUENCE 5 : INTÉRIEUR - VOITURE - DOUANE DE TANGER
Toutes les fenêtres de la voiture sont ouvertes, la chaleur est étouffante. Le petit visage d’Amal est las, son corps ne dégage aucune énergie, elle semble toute avalée par cette chaleur plombante.
Wahida fait toujours la moue, les bras croisés.
Plusieurs voitures sont en file d’attente devant la barrière de la douane marocaine à Tanger. Des personnes prennent l’air en attendant à l’extérieur de leur voiture, fumant des cigarettes ; d’autres se font des sandwichs.
Une voiture est devant Rahma, elle observe attentivement le policier REDOUANE (50 ANS) qui vérifie les papiers d’identité des personnes la précédant.
Wahida sort de la boite un capri sun frais de la boite à gant, tout en faisant toujours la moue.
Rahma descend le pare-soleil et s’essuie le maquillage que la chaleur a fait couler sous ses yeux. Elle se retourne et remarque qu’Amal est réveillée.
RAHMA
Ne3ssi mon cœur
…
“Dors mon petit cœur…”
Elle sort un éventail de la boîte à gants devant Wahida et fait de l’air à Amal.
La voiture devant Rahma avance, elle ne la remarque pas, préoccupée par Amal. Redouane avance vers elle.
REDOUANE
Lalla ?
Surprise, elle se retourne vers lui en sursaut, elle remarque son geste grossier et rigole de nerf.
Redouane reste de marbre et lui fait signe par la main d’avancer vers la ligne de contrôle. Elle démarre la voiture et avance.
Redouane la suit en marchant.
Il arrive à son niveau.
RAHMA
Salam sidi.
Smeh lia kent mlahia m3a benti
« Bonjour Monsieur »
REDOUANE
Fin inhaalah ?
« Vous allez où ? »
RAHMA
França
REDOUANE
(En rigolant)
Malek khayfa ma kan 3adouche.
« Pourquoi tu as peur, on ne mord pas »
RAHMA
Non, khir bghit n3ss7a ou ma bghatch
« Non… je veux juste l’endormir et elle ne veut pas »
Il regarde à l’arrière de la voiture et jette un regard attendri à Amal.
REDOUANE
Loura9i 3afak.
« Les papiers s’il vous plaît »
Elle donne les passeports ouverts à la page des tampons de visa.
Il les regarde et appelle toutes les filles chacune par leur prénom en fonction du passeport.
Chacune se désigne.
REDOUANE
L’autorisation paternelle 3afak.
Rahma sort de la boîte à gants l’autorisation paternelle de quitter le territoire légalisée. Il se retourne et analyse le document dos à la voiture en silence. Il retourne la feuille avec écrit en arabe « AUTORISATION PATERNELLE DE QUITTER LE TERRITOIRE ». Il lit attentivement la feuille légalisée, tamponnée et signée en bas de page. Il passe son doigt sur le tampon qui semble usé, or la date indique 12 juillet 2022, soit 2 jours avant aujourd’hui.
Il vérifie avec son doigt que le tampon ne sue pas et ne marque pas le doigt.
REDOUANE
D9i9a
« Une minute »
Il s’en va vers le bureau de douane en face de lui où l’on voit un jeune homme à travers la vitre, tapant sur un ordinateur.
Rahma le regarde, l’observe. Elle ferme les yeux et prend une respiration sans trop en faire. Elle récite une prière en chuchotant.
SÉQUENCE 6 : INTÉRIEUR - OFFICE DE DOUANE - JOUR
Redouane entre dans un minuscule office de douane où l’on peut à peine se déplacer, plein de paperasses partout.
AMIR (22 ANS), un jeune homme svelte, est à moitié avachi sur son petit bureau entouré de tampons, de feuilles et de gobelets de café datant de la veille.
Il remarque que Redouane est entré et se redresse.
Redouane lui jette sur le bureau le document de l’autorisation paternelle.
REDOUANE
Chouf hadou, ach ban lik ?
« Regarde ça, t’en dis quoi ? »
Amir attrape studieusement le document et l’analyse. Il regarde Redouane debout à sa gauche, confus. Redouane lui pointe le tampon de légalisation.
REDOUANE
Chouf hadi.
« Regarde ça »
AMIR
Oui chef ! Chnou l’mouchkil ?
« Oui chef ! C’est quoi le problème ? »
REDOUANE
Chouf mzyane, le tampon ou louar9a.
« Regarde bien, le tampon et la feuille »
Redouane rejette un coup d’œil mais Amir est toujours confus, ce qui le stresse. Redouane comprend qu’il est embarrassé de ne pas comprendre.
REDOUANE
Ouakha, chna7ia la date dial lyoum ?
« D’accord, c’est quoi la date d’aujourd’hui ? »
Amir jette un coup d’œil au calendrier accroché en face de lui.
AMIR
14 chhal 7 chef
« 14 juillet chef »
REDOUANE
Ewa, le tampon ou louar9a ma banouch lik 9dam ?
« Eh bien, le tampon et la légalisation ne te semblent pas usés ? »
AMIR
Chef, 3andek l’autorisation, 3andek koulchi !
« Chef, si vous avez l’autorisation paternelle, vous avez tout ! »
REDOUANE
Nta lkhetfa douz 9edam 3ainik tsselem 3liha.
« Toi, le rapt passe devant tes yeux, tu le salues »
Il observe silencieusement à travers la vitre la petite Wahida qui boude. Et appuie un regard suspect sur ce détail.
Il s’en va.
REDOUANE
Khoud blassti f’contrôle
« Prends ma place au contrôle »
Amir se lève immédiatement et suit Redouane à l’extérieur. Il prend sa place au contrôle.
SÉQUENCE 7A : EXTÉRIEUR - JOUR - DOUANE DE TANGER
Redouane se dirige vers Rahma. Elle le voit arriver, la panique en elle se fait ressentir, elle essaie de garder son calme.
Il l’invite d’un geste à se rabattre sur le côté, pour laisser passer les autres voitures. Elle s’exécute.
Il rejoint Rahma, rabattue sur le côté, derrière d’autres voitures passant un contrôle avec un policier à l’extérieur.
Quand Rahma sort de sa voiture, on voit les marques de ses mains moites laissées sur le volant. Elle ferme la porte et attend que Redouane arrive à son niveau.
RAHMA
Koulchi labass sidi ?
« Tout va bien sidi ? »
REDOUANE
(Détendu)
Labaaassss, ou nti labass ?
RAHMA
(Souriante)
Ça va.
REDOUANE
(En parlant à Wahida)
Malha l’princessa ?
« Qu’est-ce qu’elle a, la petite princesse ? »
Elle tourne la tête, boude et ne veut pas répondre.
RAHMA
Bghat tel3ab f téléphonha ma khelit7ach.
« Elle veut jouer sur son téléphone et je ne la laisse pas. »
REDOUANE
Mnine jayine ?
« Vous venez d’où ? »
RAHMA
Casa.
« Casablanca »
REDOUANE
Z3emti bach tssogi bouhdek men Casa l’França m3a jouj bnitate.
« Vous avez eu du courage pour conduire seule de Casa à Paris avec deux petites filles. »
RAHMA
Ewa… chnou bghitina ndirou
« On ne peut rien leur refuser »
REDOUANE
Imta darret l’autorisation paternelle ?
« Elle a été légalisée quand l’autorisation paternelle ? »
RAHMA
C’est sur le tampon, Sidi, il y a 2 jours… 3lach ?
REDOUANE
Ma n9drch noussel ?
« Je ne peux pas demander ? »
RAHMA
Si.
REDOUANE
Ouakha Lalla, khassna l’autorisation jdida légalisée ou faxée.
« D’accord madame, il va nous falloir une nouvelle autorisation faxée datant d’aujourd’hui »
RAHMA
Sidi… non… c’est pas possible…
REDOUANE
(La coupe)
Had chi li kayn.
« Je ne peux rien faire »
Le téléphone sonne dans la voiture et affiche « PAPA <3 », on entend les vibrations. Rahma se retourne et le regarde.
Wahida va répondre et Rahma lui arrache le téléphone des mains et met son téléphone en mode avion.
RAHMA
(Chuchotant)
Je t’ai dit de laisser ce téléphone !
WAHIDA
(Chuchotant)
Mais c’est papa !
RAHMA
(Désespérée)
Wahida, ma chérie, s’il te plaît.
Elle sort et reprend sa conversation avec Redouane.
RAHMA
(AU POLICIER)
Ma b9aouch ki sem3ou.
« Ils ne respectent plus »
Redouane ne sourcille pas.
RAHMA
Sidi, 3andek le document légalisé mn lmou9ata3a, l’bateau khan mchi 3lina ila tssenina l’fax.
« Monsieur, vous avez le document légalisé, le bateau va partir si on attend le fax »
(Un temps)
Vous voulez que je l’appelle ?
POLICIER
Oui.
(Un temps)
Rahma reprend le téléphone dans la voiture et passe un appel. Ça décroche.
RAHMA
Oui, oui d’accord, 2 minutes, le policier veut te parler.
…
Ben je sais pas, ça doit être un souci avec l’autorisation que tu m’as faite.
…
Oui, ben écoute, qu’est-ce que j’en sais, tiens, je te le passe, tu verras avec lui.
Elle lui tend le téléphone, le policier dit non de la tête. Ils se regardent… Elle reprend la conversation.
RAHMA
Bon, je te rappelle, en Espagne, il doit y avoir un problème, je ne comprends pas.
Elle jette un coup d’œil derrière le policier et remarque que son collègue essaie de lui faire signe. Le policier suit son regard et remarque également les signes de son collègue qui lui montre le talkie-walkie.
REDOUANE
Tssenayni hna.
« Attends-moi ici »
Il s’éloigne un peu.
AMIR
Chef ! Chef !
Redouane est un peu plus loin, faisant face à Amir, qui le regarde à travers la vitre de son bureau.
Rahma baisse son téléphone, on voit en insert qu’il n’y avait personne à l’appel et que son écran affiche toujours « mode avion ».
Elle souffle.
SÉQUENCE 8 : EXTÉRIEUR - JOUR - PAS LOIN DE RAHMA
CONVERSATION ENTRE AMIR ET REDOUANE AU TALKIE-WALKIE — POV REDOUANE / POV AMIR — CHAMP / CONTRE-CHAMP.
REDOUANE
Ma geltch tb9a barra dir les contrôles.
« Je t’ai pas dit de rester dehors pour faire les contrôles »
AMIR
Chef, 3ayt lmou9ata3a dial Casa, ma 3andhoumch la trace dial la légalisation !
« Chef, j’ai appelé ma mo9ata3a de Casa, ils n’ont aucune trace de l’autorisation paternelle ! »
Il jette un coup d’œil à Rahma, accroupie, faisant de l’air à Amal.
REDOUANE
(Satisfait)
Chnou gelt lik ?
“qu’est ce que je t’ai dis?”
AMIR
(admiratif exagéré)
Oulahta nta chef, CHEF !
3rafti nhar li galou lia khan nkhdem f service
Dialek, hssit b7al l7olm diali…
“je vous jure chef, non vraiment, waw ! le jour ou j’ai su
que j'allais vraiment être dans votre service chef vraiment!”
REDOUANE
(Le coupe)
Safi, baraka mn “chef.
“arrête avec tes “chef”
AMIR
Pardon chef…
(Redouane le pointe du regard)
Daba chnou ndir ? N3ayat l’commissaire ?
Smeh lia chef, nta chef, nta li ze3ma nta li khessek
T3ayat lih. T9dr 3afak tgoul lih ze3ma ana li, fhemti li… ouakha nta li 3raft…
“okok… maintenant je fois faire quoi ? enfin vous devez faire quoi
parce que après tout fin même si c’est moi qui est trouvé que…
bon vous pourrez leur dire quand même que je vous ai aidé à résoudre
ce crime”
REDOUANE
Matdir oualou.
“tu fais rien”
AMIR
ok chef.
Redouane re regarde Amir après son “chef”
REDOUANE
Rja3 dir les contrôles.
“retourne faire des contrôle”
SÉQUENCE 7B : EXTÉRIEUR - JOUR - DOUANE DE TANGER
Il se redirige vers Rahma, toujours accroupie de dos, faisant de l’air à Amal.
REDOUANE
Lalla Rahma, khessna l’autorisation paternelle
faxée daba oula man9drch nkhelik douzi.
« Il nous faut l’autorisation paternelle faxée maintenant, sinon je ne peux pas vous laisser passer »
RAHMA
Sidi, Allah yhafdek… ma 3andich lwa9t, le bateau
va partir dans 10 minutes.
Je ne peux pas conduire en Espagne ce soir,
je suis seule avec mes deux filles, je…
“que dieu vous préserve monsieur, on a pas le temps”
REDOUANE
Partez demain, Lalla.
Rahma soupire, commence à être en tension, essaie de cacher ses larmes montantes.
RAHMA
Pour mes filles, Sidi… je l’ai appelé pour vous, il est
au travail, là.
(Un temps, elle joue sa dernière carte)
Vous savez… mon mari ne va pas être content
quand il va apprendre ce que vous me faites subir là…
REDOUANE
je sais qui est votre mari.
À cette phrase, Rahma se tend, sa respiration s’accélère discrètement. Elle essaie par-dessus tout de contenir son émotion. Elle et Redouane se fixent du regard. Elle a un regard apeuré, lui, satisfait : il sait qu’il la tient.
Elle reprend un instant son souffle.
RAHMA
Wach tkhalet likoum m3a chi wahed ?
“vous me confondez avec quelqu’un d’autre?”
REDOUANE
(Second degré)
Lalla Rahma Benbrahim ?
Elle ne répond pas.
REDOUANE
Helli l’coffre 3afak.
« Ouvrez le coffre, s’il vous plaît »
TEMPS
SILENCE
Rahma s’exécute et ouvre le coffre de la voiture. Il la suit.
Les sacs et valises qu’elle avait rangés apparaissent.
Elle reste debout devant lui, en attendant une réaction, puis elle se met à descendre sac par sac.
Agenouillée devant une des valises, elle l’ouvre. À ce geste, réapparaît la « tache de naissance » de Rahma sur son sein, qui ressemble plus à une marque laissée par un coup. Redouane est debout en face d’elle.
En levant les yeux pour voir le policier, elle aperçoit qu’il fixe, déstabilisé, son décolleté plongeant et sa blessure apparente.
Rahma, agacée, ferme la valise pendant que le policier fixe toujours son décolleté. Elle se lève brusquement et ferme la porte du coffre fort, ce qui réveille le policier.
Honteux, il tourne les talons et s’en va. Elle reste un instant et observe Redouane de dos. Elle passe sa main sur son visage, craque, se tourne pour lui tourner le dos ainsi qu’au monde, et se met à pleurer.
Elle essuie ses larmes en entendant Amal pleurer, s’arme de courage, ouvre la porte où se trouve Amal, la prend, et s’assoit avec elle côté conducteur.
SÉQUENCE 9 : INTÉRIEUR - JOUR - VOITURE RAHMA
Rahma se met dos au poste de police, côté conducteur, et sort son sein pour le donner à Amal. À ce geste, on découvre la suite de cette blessure.
C’est en réalité un bleu, qui vire au mauve, énorme, causé par un coup violent, avec une plaie encore ouverte, remplie de sang coagulé.
Rahma ne fait pas attention à ce que Wahida regarde sa plaie.
Wahida la touche.
Rahma la regarde.
SILENCE
WAHIDA
Maman…
(Un temps)
On va plus jamais revenir, c’est ça ?
Rahma ne répond pas, touchée par ces mots.
Temps.
WAHIDA
J’ai bloqué le numéro de papa pour plus qu’il fasse sonner mon téléphone.
Rahma la regarde, émue, aux larmes.
RAHMA
Si tu veux rester, on fait demi-tour.
Wahida
Non.
(Un temps)
Ils ont mon âge, mes cousins en France ?
…
On pourra faire une fête aussi, c’est pas grave…
RAHMA
On va faire la plus grande fête d’anniversaire du monde.
WAHIDA
Et papa, il te fera plus pleurer, papa, en France ?
Rahma, émue, dit non de la tête.
WAHIDA
Ben moi aussi je pleurerai plus… enfin…
À part si je tombe et que j’ai mal… mais vraiment, vraiment mal.
SÉQUENCE 10 : INTÉRIEUR - JOUR - OFFICE DE DOUANE
Amir est à l’extérieur et fait passer les contrôles de douane.
Redouane, lui, est accoudé au bureau, tendu, suant, très perturbé. Il passe sa main sur son visage ; ses yeux témoignent d’une profonde réflexion. Un combat intérieur.
Il observe à travers la vitre la voiture de Rahma, où l’on voit la scène qui s’y déroule : Rahma, de dos, donnant le sein.
Il prend les passeports des filles posés sur la table et les ouvre à la page des tampons.
Dans le tiroir, Redouane sort le tampon d’autorisation. Il garde sa main suspendue quelques instants. Il repasse sa main sur son visage, le tampon en main, au-dessus d’une des pages du passeport.
L’hésitation est ardente. Redouane regarde à nouveau la voiture de Rahma à travers la vitre.
Il passe ses doigts sur son écusson de grade, lâche le tampon, puis reprend un dernier temps de réflexion.
Il enlève sa casquette de service, la pose lentement sur la table, reprend le tampon et, d’un coup, sans réfléchir, tamponne les passeports des trois filles.
Redouane toque à la vitre où se trouve Amir et ouvre la fenêtre.
Amir arrive à son niveau. Redouane lui tend les trois passeports.
REDOUANE
(D’un ton posé)
Sir jib lemmra ou kheli7a douz.
« Va chercher la femme et laisse-la passer. »
Amir ne répond pas et ne prend pas les passeports. Il est en refus.
REDOUANE
3ayt lmou9ata3a dial Casa rah 3and7oum
la trace dial l’autorisation.
« J’ai appelé la mo9ata3a de Casa, ils ont bien la trace de l’autorisation. »
Amir regarde son chef, il sait qu’il ment..
AMIR
Monsieur Redouane…
Man9drch…
“je ne peux pas …”
Redouane le regarde droit dans les yeux.
SÉQUENCE 11 : INTÉRIEUR - JOUR - VOITURE
Rahma donne toujours le sein à Amal. Wahida les regarde.
D’un coup, elle ouvre la portière de la voiture.
RAHMA
Wahida ! Tu fais quoi ?!
WAHIDA
Je vais leur dire de nous ouvrir le bateau.
RAHMA
Reste ici !
À ces mots, Wahida sort et se met à courir vers le petit bureau où se trouvent Redouane et Amir, toujours en discussion à travers la vitre.
Le bruit assourdissant du bateau s’en allant se fait entendre et résonner en prenant le dessus et en effaçant les tensions de toute la scène. Plus rien ne compte à part ce bruit assassin, à ce sons ;
Wahida se fige dans son élan, se retourne pour regarder le bateau se fermer.
Rahma tourne brusquement le visage vers le poste de police.
Redouane la regarde.
FIN